BIFFF 2019-Door Lock
American Animals (Corée du Sud – 2018)
Réalisation : Kwon Lee
Réalisation : Kwon Lee, Park Jung-Hee, adapté d'un scénario d'Alberto Marini
Interprétation : Hyo-Jin Kong, Ye-Won Kim, Seong-oh Kim
En 2011, Jaume Balaguero réalisait Malveillance, qui mettait en scène l'intrusion d'un concierge d'immeuble dans l'appartement de l'une de ses locatrices, pendant le sommeil de cette dernière. Filmax, maison de production catalane qui est loin d'être novice en expérimentation internationale (il suffit de se rappeler des films de Brian Yuzna qu'elle a couvés), commet la bizarrerie, pas loin de dix ans plus tard, d'en coproduire le remake... coréen.
Door Lock, réalisé par Lee Kwon, raconte la même histoire, en même temps qu'il en raconte une autre. Kyung Min, jeune banquière que le contact avec les autres effraie, habite une gigantesque tour déshumanisée, qui tranche instantanément avec la chaleur du vieil immeuble barcelonais du film original. Dans un appartement solidement barricadé par un verrou à code dernier cri. Solidement mais symboliquement, puisqu'il apparaît petit à petit que, chaque nuit, un homme partage ces lieux avec elle... qui l'ignore. Que l'on ait vu ou non l'original, les premières séquences troublent : tandis que la jeune femme dort, un réveil sonne (tôt, à quatre heures du matin). L'homme qui l'enlace se lève, prend une douche, avale un bol de céréales. Puis disparaît, probablement vers son lieu de travail. A son tour, lorsque Kyung Min se réveille, elle remet en place une paire de chaussures masculines. Le film commence donc en dialoguant, par une pirouette, avec son modèle. Or, une deuxième pirouette refermera la boucle et remettra le film sur ses rails : ces chaussures ne servent qu'à éloigner un potentiel assaillant. La jeune craintive vit seule. L'homme qui dort avec elle le fait sans qu'elle le sache.
Ce n'est pas le seul pont jeté d'un film à l'autre. Chez Balaguero, le sourire jovial de l'héroïne rend malade un concierge qui veut le lui faire perdre. Pour Kwon, le sourire est à la fois la quête d'un personnage qui n'est pas capable d'en sortir un qui soit sincère, et à la fois le dramatique élément qui fera dégénérer la situation, sans qu'il y ait pour autant le moindre rapport avec son inquiétant visiteur nocturne.
L'intention générique n'est pas la même non plus. Malveillance jouait d'une angoisse et d'un suspense diffus, la personnalité du visiteur étant apparente dès le départ. Dans Door Lock, cette identité est non seulement repoussée, mais elle fait carrément l'objet d'un whodunit qui engendrera nombreuses fausses pistes et rebondissements, jusqu'à révélation finale. Loin de ne constituer qu'un gadget superficiel, cette idée accompagne au mieux une thématique qui ne doit finalement plus grand-chose au film original : l'impossibilité toute moderne de communiquer avec l'autre, d'accepter qu'autrui pénètre notre espace prétendument personnel. Comment composer alors avec un monde dans lequel – à travers l'espace public, les transports en commun, les nouveaux outils de communication – l'espace personnel n'existe pas ? Il faut voir comment la moindre péripétie fâcheuse qui tombe sur le nez de Kyung Min est à chaque fois un drame du viol d'espace, de l'obligation de partager cet espace avec un autre. Le viol physique y est presque mis au deuxième plan. C'est logiquement que le duel final entre la victime et son assaillant se fera dans un espace extrêmement restreint, entre quatre pieds de table qui font échos aux quatre pieds du lit sous lequel se cache l'intrus.
Un lit que Kyung Min observera pendant un dernier plan, qui dit autant son désir de s'affranchir de sa peur de l'autre... que son regret qu'il n'y ait là plus personne.