Upgrade
Upgrade (Etats-Unis – 2018)
Réalisation/Scénario : Leigh Whannell
Interprétation : Logan Marshall-Green, Melanie Vallejo, Steve Danielsen | voir le reste du casting
Surfant sur le regain d'intérêt récent pour la science-fiction amorcé par le succès public d'une poignée de séries et de longs métrages de qualités diverses, Upgrade marque la première incursion du producteur Jason Blum dans la SF pure jus. Devenu un incontournable dans le monde du cinéma fantastique (Conjuring, Get Out et Hereditary entre autres succès) et habitué à s’appuyer sur le savoir faire de cinéastes expérimentés, le producteur s’est attaché les services de l’australien Leigh Whannell, auteur des scripts des trois premiers Saw et de la trilogie Insidious, dont il a réalisé le (très médiocre) troisième volet. Projet intriguant au premier abord, cet hommage assumé à la science-fiction hard boiled des années 1980 (Terminator, RoboCop et toutes leurs déclinaisons) s’avère malheureusement beaucoup trop générique et n’amène rien de bien nouveau sur le sujet pourtant passionnant et très actuel du transhumanisme. En effet, si la formule Blumhouse fonctionne bien pour le cinéma fantastique et le film d’horreur (budget réduit, absence de tête d’affiche, cinéaste expérimenté et efficacité narrative), quoique se heurtant rapidement à certaines limites, elle peine beaucoup plus à convaincre dans le cadre de la science-fiction, un genre qui demande généralement des budgets importants, ou au minimum le talent visuel de cinéaste franchement originaux (dont le texan Shane Carruth reste l’un des meilleurs exemples) qui sortent des critères du modèle d’efficacité commerciale estampillé Jason Blum.
On va donc suivre le parcours jonché d'accidents, de mutilations et de mutations d'un homme qui a assisté à l'assassinat de sa femme et se retrouve confiné dans une chaise roulante, avant qu'une rencontre de fortune lui offre une seconde chance qui est aussi l'occasion inespérée de se faire vengeance. Au départ, l’idée de confronter un type lambda assez technophobe aux potentialités presque illimitées d’une forme révolutionnaire d’augmentation robotique avait de quoi séduire, mais le film peine à proposer autre chose qu’une suite d’illustrations de gadgets technologiques futuristes assez banale, tandis que les enjeux du récits se font de moins en moins intéressants au fur et à mesure que le film avance, ce qui est rarement bon signe. C’est peut-être une conséquence du modèle conservateur dans lequel a été développé le film, qui par manque de moyens mais aussi d’idées originales se raccroche à une esthétique et une trame narrative qui semblent plus directement héritées de la série télé moderne que des long-métrages de naguère qui lui servent d’horizon idéal. Mouvement étrange qui semble illustrer le blocage créatif d’une science-fiction piégée dans les modèles économiques actuels, au sein desquels il est difficile voire impossible de développer un projet coûteux qui ne soit pas un Disney, un remake, ou un Nolan (et alors que James Cameron ne semble plus vraiment s’intéresser au cinéma). Reste quelques passages intéressants qui semblent indiquer la direction esthétique que l'auteur-réalisateur cherchait sans jamais être véritablement parvenu à la trouve, quelque part entre William Gibson et James Cameron.
Cette influence d’un cinéma grand public qui puise allégrement dans la science-fiction sans jamais lui rendre ses lettres de noblesses trouve un aboutissement regrettable dans la piste narrative qui prend une place centrale dans la seconde partie du film, et qui transforme le protagoniste principal en un énième super-héros à tendance vigilante, autant dire l’idée la moins originale et la plus décevante qu’on pouvait attendre d’un long-métrage plus cyber que punk. D’autant que l’idée passionnante des limites de la volonté et du contrôle individuel sur un corps augmenté avait déjà été traitée de manière autrement plus intéressante dans le remake de RoboCop signé José Padilha en 2014 (un film décidément sous-estimé), et qu’elle ne donne guère plus ici que quelques scènes visuellement inventives mais narrativement insipides. Rien de nouveau sous les néons donc, et le sentiment d’assister à une succession maladroite de figures tirées du patrimoine cyberpunk misent bout à bout sans véritable idée nouvelle, et sans la qualité de mise en scène qui aurait pu accoucher d’une bonne série B bien foutue à défaut d’être proprement originale. Peut-être parce que plutôt que de chercher à pomper les formules télé, les auteurs de ces tentatives SF feraient mieux de se replonger dans les bandes dessinées séminales (Métal Hurlant, 2000 A.D. et les autres) qui servirent d’inspiration principale à ce cinéma des années 1970 et 1980 aujourd’hui révéré, copié mais jamais égalé. Allez, une tournée de Druillet pour tout le monde !