BIFFF 2017, 1ère PARTIE
Nous voilà de retour du grand festin annuel de Bruxelles. Une trentaine de films ingurgités (et au moins autant de verres de Trolls, ça aide parfois), toujours autant d'allumés et excités du bulbe qui firent ressembler certaines séances à des concerts de rock énervé (mention spéciale au set Meatball Machine Kodoku, avec en opening ce bon punk de Nishimura), et au final une belle brochette de bons voire excellents films. C'est l'heure du passage en revue de ce qu'on a pu y voir, les films les plus notables à nos yeux bénéficiant, par ici, d'articles plus conséquents. Let's go !
PREMIERE PARTIE
Another Evil (Carson D. Mell – USA)
Dan et sa petite famille emménagent dans une maison, dont ils se rendent vite compte qu'elle est hantée. Un exorciste ventripotent, bière à la main, va les rassurer d'emblée en affirmant que, certes, il y a des fantômes dans la maison, mais qu'ils sont inoffensifs. Un argument que Dan n'est pas tout à fait prêt à entendre. Il va donc engager un exorciste plus agressif, qui va progressivement envahir l'espace de son client.
L'argument fantastique est ici prétexte à une comédie tournée pour pas un sou, caméra à l'épaule. Un peu comme si la deuxième partie de Poltergeist avait été tournée comme un épisode de sitcom post-moderne type The Office ou Arrested Development. La plus longue partie du film s'intéresse ainsi à la relation qu'entretiennent Dan et son exorciste de plus en plus envahissant, pendant le déroulement du "nettoyage" de la maison. Le film de fantômes mue progressivement en une version mumblecore du Disjoncté de Jim Carrey et, pour tout dire, se montre souvent habile dans son mélange de comédie et d'angoisse sourde. C'est déjà pas mal, même si ça ne suffit pas toujours à faire oublier la facture très pauvre de l'image et de la mise en scène.
We Go On (Jesse Holland & Andy Mitton – USA)
Miles est tellement tétanisé par l'idée de la mort qu'il lance une offre qui promet une grande récompense à quiconque lui avancera une preuve qu'il existe un au-delà. Après avoir fait le tri entre plusieurs dizaines de courriers plus ou moins farfelus, il retient trois candidats. Miles voit en chacun d'entre eux un escroc, et rencontre finalement un étrange personnage qui se montrera, peut-être, plus crédible.
On voit bien, au fil des circonvolutions d'un récit qui va dans tous les sens, que les réalisateurs Jessy Holland et Andy Mitton cherchent à surprendre, à sortir de sentiers qu'il considèrent battus. Le simple fait d'évacuer, dans son premier tiers, une succession de personnages représentant chacun un motif clairement défini du cinéma d'horreur (le chercheur qui croit aux fantômes, la médium hantée, etc.) place le film dans une volonté un peu arrogante de s'extraire des clichés que l'on prête au genre. Le problème, c'est qu'ils ne compensent avec rien, et que le retournement de situation central achève de faire sombrer le film dans un grotesque un peu vain duquel il ne sortira plus. Peu aidé par une photographie hideuse et un acteur principal aux fraises, We Go On est loin de révolutionner le genre comme il semble vouloir le faire.
Tonight She Comes (Matt Stuertz – USA)
S'il n'y a rien de pire qu'un film se prenant au sérieux en se donnant des airs, Tonight She Comes réussit la gageure de ne rien prendre au sérieux... tout en se donnant des airs. Le film démarre comme un Z ricanant de ses propres défauts, se voulant parodique sans trop qu'on sâche ce qui est parodié. Il y a certes des filles en petite tenue, une maison dans les bois, un lac, mais les situations qui s'y déroulent ne ressemblent tellement à rien qu'il est très difficile d'y décrypter là un hommage, ici un détournement. Mais Matt Stuertz, le réalisateur de la chose, s'en moque, puisqu'il a déjà prévu son virage conduisant le film dans un insensé périple gore plus tellement cynique. Pourquoi donc aborder son film comme une parodie légère pour s'enfoncer in fine dans le gore craspec et agressif ? On n'en sait rien. Mais ça nous aura bien fatigués.
Replace (Norbert Keil – Allemagne, Canada)
Kira, jeune et jolie pianiste, est soudainement victime à la fois d'une sévère amnésie et d'un phénomène physique légèrement pénible : sa peau se met à peler violemment. Une seule solution : la greffe. Problème : trouver des donneurs, pas forcément consentants.
Nouveau volet dans la vague body horror que l'on observe depuis plusieurs années, Replace se paye en plus le luxe d'une esthétique néon lorgnant du côté des deux derniers films de Nicolas Winding Refn, et d'une narration déconstruite. Très vite, l'ensemble apparaît boursouflé, poseur et extrêmement mal conduit. L'image, qui se veut outrageusement esthétisée, ne creuse pas la nature de ses propres images comme pouvait le faire The Neon Demon, mais abuse d'effets (de saturation, de flous) d'une grande laideur. Le scénario est à la fois confus (l'éclatement narratif comme rempart au vide) et bavard (chaque enjeu est surligné au marqueur aussi fluo que certaines de ses images). Si le dernier film de Refn était pour beaucoup une belle coquille vide, cette coquille-là n'hérite malheureusement que d'un seuls de ces adjectifs.
The Oath (Baltasar Kormakur – Islande)
Après une excursion sur l'Everest américain, le cinéaste Baltasar Kormakur retourne dans son Islande natale pour réaliser The Oath, l'histoire d'un chirurgien (interprété par le cinéaste) prêt à tout pour récupérer son adolescente de fille des griffes de son petit ami dealer. On pense rapidement au Hardcore de Paul Schrader pour le sujet, à Captives d'Atom Egoyan pour la froideur du ton et l'évolution implacable du récit, le tout enrobé comme un thriller social stylisé. The Oath a pour principal atout une belle photographie mettant en avant des paysages et décors auxquels le polar ne nous avait pas habitués. C'est malheureusement tout, tant l'ensemble avance en mode automatique, sans surprise ni aspérité, pour nous laisser au bout du compte avec sur les bras un questionnement moral balourd et insoluble.
Bad Cat (Ayse Ünal & Mehmet Kurtulus – Turquie)
Le Turc Bad Cat, de Mehmet Kurtulus et Ayse Ünal, joue à tordre l'imagerie mignonette du chat en donnant les contours du félin à un personnage vulgaire, méchant et lâche. Plusieurs décennies après Fritz The Cat, et son ambiance de cartoon jazzy sous herbe forte, c'est aujourd'hui l'esthétique Pixar qu'on emploie pour la pervertir (comme, récemment, Sausage Party). Cela fonctionne un temps mais le film s'épuise vite, faute d'avoir été pensé véritablement comme un long (c'est plutôt une suite de longs strips, peu articulés entre eux) et surtout, à force de sombrer progressivement dans de bons sentiments fleurissant comme une fatalité. (not so) bad cat.
Boy Missing (Mar Targarona – Espagne)
Le thriller Boy Missing (de l'espagnole de Mar Targarona) est écrit par Oriol Paulo, scénariste du chouette Les yeux de Julia (qui brillait davantage par sa mise en scène d'ailleurs) et du poussif El Cuerpo. On retrouve d'emblée le goût de Paulo pour les récits gigogne et sophistiqués, nimbés d'une ambiance néo-noir et plombée.
Le film se divise clairement en deux parties, séparées par un virage audacieux mais peu opérant. Si la première n'est pas particulièrement brillante, le récit policier a le mérite de fonctionner à peu près, et le mystère s'épaissit à mesure que les révélations semblent fermer toutes les hypothèses et ne déboucher nulle part. La deuxième est, hélas, totalement anecdotique dans sa relecture proprette de schémas hitchcockiens (la boîte contenant le doigt qui circule entre les mains des policiers qui n'y voient rien, la construction du faux coupable...). Le film se suit sans déplaisir, sans grande passion non plus.
My Father Die (Sean Brosnan – USA)
Passons très rapidement sur My Father Die, film de vengeance inepte et secoué du bulbe de Sean Brosnan (fils de) qui essaie assez pitoyablement de se la jouer cool avec son récit hystéro-vulgos, au ton grindhouse désormais un peu ringard.
A suivre...