Voici quelques années que nous avions déserté, malheureux hasard de nos calendriers, l'institution vosgienne. Il fallait bien rattraper le coup et c'est avec émotion que, dix ans après notre première édition, nous avons retrouvé la ville des Fantastic'Arts, sobrement devenu cette année Festival de Gérardmer 2017.

Petites filles, zombies et bikinis

Si The Girl with All the Gifts a séduit nos pairs au point de récolter le prix du jury, il ne nous a revanche absolument pas convaincus. Le film se déroule dans ce futur peuplé de zombies que l'on a déjà tant vu ces dernières années, que ce soit à la télévision, au cinéma ou dans le jeu vidéo. Il suit le personnage de Melanie, une petite fille contaminée par le virus mais ayant conservé son humanité. Le bout de choux à demi-zombifié va guider un petit groupe à travers une ville peuplée de morts-vivants, sans que l'on saisisse bien les enjeux dramatiques d'un tel périple. The Girl with All the Gifts, avec son esthétique passe-partout et son scénario plan-plan, n'accède jamais à une véritable perception politique des figures qu'il engage, et se contente de faire bouger des pions sur un plateau, sans conviction. Heureusement qu'un soldat nommé Kieran devient un personnage de premier plan dans la seconde moitié du film : sa stupidité crasse permet au spectateur de ne pas s'endormir, et de rester dans l'écran par la lorgnette du rire. Le long-métrage de Colm McCarthy est un produit aseptisé, sans surprise, symptôme d'une zombification du film de zombies.

Tout le contraire donc du complètement dingue Enfer des Zombies de Lucio Fulci, que nous avons eu la joie de redécouvrir en cinéma. Si L'Enfer des Zombies est bien connu des amateurs de cinéma fantastique, il convient cependant de rappeler à quel point le film fait souffler un vent de liberté sur un genre naissant. Le long-métrage de Fulci s'apparente à une lente dérive fantasmatique, tour à tour absurde, délirante et sidérante. On largue les amarres avec le maestro pour explorer un océan terrifiant : pour Fulci l'impossibilité du deuil et la fascination morbide sont miscibles dans l'eau. La structure est circulaire, inflexible. Le cadre fixe devient le tombeau du regard, jusqu'à une conclusion apocalyptique dont le grand écran amplifie les puissances. Après L'Enfer des Zombies, Fulci tournera d'autres chefs d'œuvre du cinéma horrifique, dans lesquels il se concentrera sur les climats de cauchemar que l'on retrouve ici surtout dans la seconde partie du métrage. L'Enfer des Zombies reste ainsi un film à part, même à l'intérieur de l'œuvre du réalisateur romain, dans sa manière subtile d'agencer des blocs d'images en apparence étrangers les uns aux autres.

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Bis Repetita ?

On ne s'attendait pas à grand chose en allant voir The Void, réalisé par Jeremy Gillepsie et Steven Kostanski – deux spécialistes des effets spéciaux qui oeuvrent sur de nombreuses grosses productions, et tournent par ailleurs des petites pelloches dégénérées au sein de la boite de production Astron 6. Pour patienter avant la séance, nous nous enfilons quelques boissons au houblon, les pieds dans la neige. Sans doute cela influa-t-il sur notre perception du film, sans pour autant tout expliquer : l'amateur de bière sait bien combien une séance peut devenir douloureuse si les effets de l'alcool ne s'accordent pas avec la bobine. Autant le dire clairement, The Void fut une des claques du festival, 90 minutes de pure folie comme on aimerait en voir plus souvent à Gérardmer !
Tout commence sur une route américaine, au milieu de la nuit. Un officier de police effectue sa patrouille, et tombe sur un jeune homme couvert de sang, titubant au milieu de la chaussée. Il l'emmène jusqu'à l'hôpital le plus proche, pensant ainsi le sauver... Si The Void affiche d'emblée un triangle d'influences – Carpenter, Barker, Fulci – le film est bien loin de n'être qu'une des ressucées respectueuses. The Void offre un déchaînement d'images infernales, dans une logique de redéploiement constant des formes – géométriques, figurales, corporelles – et des sensations. Les images du film ont une double qualité singulière, d'imprégnation et d'effacement, qui renvoie directement à l'expérience du cauchemar, à la fois précis et intangible. C'est un cinéma des marges et des limites qu'explorent Gillespie et Kostanski, dont on attendra avec ferveur les prochains travaux.

The Void concept

Nettement plus convenu, quoique jouant a priori sur les mêmes codes, le Rupture de Steven Shainberg suit Renee (Noomi Rapace), une mère célibataire qui se fait kidnapper par une mystérieuse organisation. Enfermée dans une sorte de complexe militaire, Renee va chercher à s'échapper, mais aussi à découvrir les intentions de ses tortionnaires. Rupture, qui s'ouvre sur une tonalité anxiogène jouant sur les codes de représentation du quotidien, se transforme rapidement en petit spectacle à la fois criard et plan-plan, plaisant et ennuyeux. Noomi Rapace se débat sur un lit d'hôpital, Noomi Rapace se fait injecter une saloperie, Noomi Rapace hallucine, Noomi Rapace rampe dans un conduit... Sans que les thématiques pourtant soulignées par un scénario maladroit ne soient jamais véritablement abordées. Le festival de Gérardmer avait programmé il y a quelques années le très bon Terreur, d'Anthony DiBlasi, qui traitait bien plus frontalement de la question des peurs intimes et irrationnelles. DiBlasi n'hésitait pas à rechercher chez son spectateur une crispation nauséeuse qui permettait une identification, même temporaire, avec ses personnages. Shainberg, lui, semble avoir peur de faire peur, et pense qu'il suffit de montrer les sentiments d'un personnage pour qu'ils soient immédiatement ressenti. Les spectateurs de Rupture restent donc à distance du film, jusqu'à une conclusion grotesque, mais très drôle, qui attirera au film la sympathie des plus indulgents d'entre nous.

Rupture

Cinema Paradiso (Revisited)

On découvre dans la mythique salle du Paradiso le thriller malaisien Interchange (Dain Said) qui séduit d'abord par sa photographie soignée, avant que la confusion la plus totale ne vienne se conjuguer au plaisir de l'œil. Difficile en effet de suivre cette intrigue concernant des meurtres et des photographies de rites primitifs, dont on sent bien qu'elle concerne probablement l'histoire de son pays d'origine. Le récit est - c'est une prouesse - à la fois plat, répétitif et incompréhensible, ce qui rend l'expérience du spectateur vaguement amusante. Les personnages passent du malaisien à l'anglais sans prévenir, parfois au milieu d'une phrase, mais leurs discussions relèvent, dans une langue comme dans l'autre, de l'ésotérique le plus total. Notre errance parmi les images du film dure un peu plus d'une heure et demi, mais l'on a l'impression d'être lâché seul dans cette terra incognita cinématographique pendant des lustres, ce qui découragera d'ailleurs un bon nombre de nos semblables, qui quitteront la salle les uns après les autres. Ce faisant, ils ratent une conclusion kitchissime, qui nous laisse pantois, les yeux écarquillés. Nous sommes pourtant habitués à un cinéma libre, mais voir des acteurs déguisés en oiseaux géants se déclarer un amour fou restera dans les annales du délire gérômois.

BELIAN Nicholas Saputra on the run

Toujours au rayon des expériences psychotroniques vécues au Paradiso, citons le dernier Takashi Miike, Terra Formars. Il y a dix ans, c'est dans cette même salle que nous vivions les sept heures de la mini-série MPD Psycho, une ode aux images libres absolument renversante : pour nous, Miike et Gérardmer riment, et nous avions hâte de découvrir cette adaptation d'un manga au concept singulier. Terra Formars suit en effet les aventures d'un groupe de repris de justice auxquels on injecte de l'ADN d'insectes, ce qui les transforme en super-héros aux pouvoirs plus ou moins utiles. Nos héros sont envoyés sur une planète inconnue, peuplée de cafards humanoïdes qui ressemblent beaucoup à des GI Joe atteints d'une dégénérescence mentale, avec leurs petits yeux ronds, leurs grandes mâchoires et leurs mini-antennes. L'ensemble du film semble tout droit sorti de l'esprit d'un gamin de huit ans vaguement sociopathe – d'un gamin de huit ans normal, donc – avec ses dialogues qui alternent grandes déclarations, blagues et insultes, ses bastons aussi crétines que jouissives, son design sous haute influence Mattel et Bioman.
Si formellement on pourra regretter l'absence d'inventivité de Miike, qui se laisse un peu téléguider par la frénésie enfantine de la succession de combats qu'il filme, le film reste fort recommandable, ne serait-ce que pour sa capacité à faire apparaître un grand sourire béat sur les visages de ses spectateurs. Terra Formars se prête difficilement à l'analyse, puisqu'il se fonde sur la gratification instantanée et le déni de complexité. Le film semble dresser en creux le portrait d'une génération, désormais vieillissante, se remémorant avec nostalgie les joies d'une enfance perdue – mais pourrait aussi bien s'adresser à une jeunesse nippone friande de catharsis colorée.

C'est au Paradiso qu'on a vu Split, le dernier film de M. Night Shyamalan, et pour tout dire la salle lui allait bien. En effet, c'est officiel, M. Night Shyamalan dessine une étrange filmographie un peu à l'encontre des habitudes : après avoir signé une série d'œuvres lentes, réflexives et parfois empruntes d'un sérieux risible (revoir Le village), le voilà qui revient depuis deux films (et sa collaboration avec Jason Blum) à un cinéma d'horreur direct et nerveux. The Visit était un conte touchant par moments mais à la distanciation parfois gênante, Split est un thriller tendu comme un arc. Exit les tunnels de dialogues en zoom ultra lents auxquels Shyami nous a habitués, welcome la jeunesse (re)trouvée d'un cinéaste excité à l'idée de livrer une série B jubilatoire, pleine de suspense et parfois très drôle. S'il n'est pas exempt de maladresses (les flashbacks trop programmatiques, les rapports en miroir entre le tueur aux multiples personnalités et sa nemesis féminine, à peine esquissés), on y trouve aussi les plus belles idées de son cinéma.
Par exemple, un rapport aux lieux et à leurs imbrications savamment orchestré. Le lien entre intérieur est extérieur est sans arrêt questionné : ce sous-sol aménagé aux fenêtres mensongères dessinées par un cerveau d'enfant auquel répond un unique (et très beau) plan d'extérieur, devant une large grille avec la ville en toile de fond, jusqu'à l'union de ces deux lieux, vision sauvage et merveilleuse de la fin du film.
La réflexion évolutive (et pas si archétypale qu'il n'y paraît) sur la naissance du mal, tant en soi que dans ses modalités représentatives, est également assez intéressante, malgré le rebondissement méta final plus superficiel que tout ce qui l'a amené.
L'enthousiasme peut aussi ne pas se limiter à ce film mais au sentiment qu'en 2017, entre A Cure for Life de Gore Verbinski et la sortie annoncée de l'excellent The Autopsy of Jane Doe, l'épouvante a de nouveau droit de cité dans nos salles, et plus uniquement en festivals ou sur les plateformes légales ou non de téléchargement. Et ça, c'est plutôt une excellente nouvelle !

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Holidays est un nouvel omnibus au concept prétexte et plus ou moins suivi par les cinéastes qui en ont la charge : chaque segment illustre une fête du calendrier américain. Ainsi, pour revisiter (ou faire semblant) Halloween, la fête des mères ou des pères, la Saint Valentin ou autres, on retrouve un panel inégal mais loin d'être inintéressant de cinéastes indépendants actuels : du bon côté, Kevin Kolsch et Dennis Widmyer (Starry Eyes), Nicholas McCarthy (At The Devil's Door) ou Scott Stewart (Dark Skies). De l'autre, Adam Egypt Mortimer (Some Kind of Hate) ou encore Kevin Smith (Tusk).
Les tons varient, puisque se côtoient comédie horrifique, terreur mélancolique, grotesque, dans un grand fourre-tout dont très peu de segments parviennent à convaincre. Kolsch et Widmyer (« Valentine's Day ») peignent un personnage de lycéenne maltraitée et vengeresse dans une bluette gore et kitsch qui souffre de sa pâleur face aux références avouées (en gros, Carrie ou May qu'on imaginerait vaguement réalisé par Gregg Araki). Anthony Scott Burns (« Father's Day ») se plaît, comme Ti West avant lui (House of The Devil), à filmer l'errance angoissée de la belle Jocelin Donahue. Son personnage part à la recherche du fantôme de son père, qui lui a laissé avant de mourir un enregistrement la guidant là où il est censé se trouver désormais. La belle idée du film est de jouer sur la réminiscence du souvenir par ce que l'on entend du passé, alors qu'on ne contemple en réalité qu'un monde en ruines. Mais le film s'essouffle rapidement et la fin grotesque l'achève.
On passera sur la beauferie intégrale de Kevin Smith (« Halloween ») et sur une poignée de segments sans intérêt, pour se concentrer sur celui qui surnage aisément : « Easter » de Nicholas McCarthy. Ce conte horrifique, dans lequel une petite fille est terrorisée par un hybride de lapin de Pâques et de Jésus, fait mouche par sa capacité à faire vivre une angoisse enfantine à l'imagerie grotesque, en la prenant au sérieux. Le film, d'un onirisme jaune et noir (la photo est très réussie), parvient à parler de beaucoup de choses (l'absurdité de la religion et du folklore, l'absence du père) par la simple force de son récit et de ses images, sans verbiage inutile. Pour ce seul court-métrage, Holidays vaut le détour.

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On connaît Alice Lowe en tant qu'actrice, qu'on a pu croiser chez Edgar Wright ou Ben Wheatley. On la connaît aussi scénariste pour ce dernier, puisqu'elle a écrit Touristes. La voici maintenant réalisatrice de Prevenge, slasher aux velléités comiques narrant l'histoire de Ruth (Alice Lowe, donc), une jeune veuve enceinte jusqu'au cou, et dont le bébé à venir dicte à sa pauvre mère une série de meurtres qu'elle exécutera sans sourciller.
Prevenge s'inscrit dans la continuité de Touristes, mais aussi du récent Aaaaaaaah ! de Steve Oram. Trois comédies cherchant dans l'horreur une irrévérence un peu forcée, jouant sur une image terne et une absence de mise en scène faussement dogmatique. C'est surtout un ton bien particulier que partagent ces trois films, puisque aigreur et pulsions acariâtres y règnent en maîtresses. Dans Prevenge, il faut voir comment chaque personne à qui la mère meurtrière règle son compte incarne une facette de la société qui semble hérisser les poils de la réalisatrice. Lorsque son avatar assassine froidement ses victimes, c'est bien la réalisatrice qui assassine pêle-mêle les bobos (homosexuels, bien sûr), les DJ solitaires vivant chez leur mère (obsédés sexuels, bien sûr), etc. Un mépris permanent que Lowe use aussi sur son spectateur, à qui elle impose une image d'une laideur « volontaire », une succession de saynètes aux tonalités inutilement disparates, et une suite de meurtres sans aucune fulgurance. Beauté vénéneuse du Paradiso, où l'on risque le meilleur comme le pire.

Sweet Jane is going to the fun house

Le déjà relativement ancien Clown (Jon Watts, 2014) était présenté en sélection officielle, un honneur que le film mérite amplement avec son traitement craspec du mythe du clown maléfique. Kent, un agent immobilier et père de famille sans histoire, va se transformer peu à peu en un prédateur d'enfant tenant autant du zonard que du phénomène de foire, après avoir enfilé un costume de clown maudit. A travers cette histoire d'une grande simplicité, ce sont les sentiments contraires d'un père qu'explore Watts. Eventrer des enfants plein cadre n'étant pas encore considéré comme un spectacle tout public, Watts doit ruser pour conserver le tranchant de son œuvre, qui s'évente un peu dans sa seconde partie. Malgré quelques tours de force, comme la belle séquence dans un parc d'attractions, Clown perd un peu de son efficacité à mesure qu'il avance, tout en restant parfaitement recommandable pour quiconque ne projette pas de devenir parent à très court terme.

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La grande réussite de ce festival reste, et de loin, le magnifique The Autopsy of Jane Doe, d'Andre Øvredal, à qui on devait déjà le fort sympathique Troll Hunter. Autant le dire d'emblée, The Autopsy of Jane Doe n'a pourtant pas grand chose à voir avec son prédécesseur, si ce n'est un même sens de l'émerveillement. Si Troll Hunter filmait une série de corps insaisissables et grotesques, The Autopsy of Jane Doe se concentre sur un seul corps, parfait et fascinant : celui d'une mystérieuse Jane Doe, que doivent autopsier un jeune homme et son père. Austin, le plus jeune des deux légistes, ne voulait pas passer la soirée au travail : il avait prévu un rendez-vous galant avec sa chère et tendre. D'une belle brune à l'autre, il va finalement rester avec Jane Doe. La beauté singulière de Jane Doe va rapidement déployer des charmes vénéneux, et les deux hommes vont devoir lutter contre des forces surnaturelles. Brillant dans son déroulement comme dans sa mise en scène, The Autopsy of Jane Doe peut être lu comme la rêverie et les peurs d'un jeune homme face à la gent féminine. Le film regorge de petites trouvailles permettant d'explorer le labyrinthe d'un regard tourmenté : ainsi, par exemple, la peau de la jeune femme, cette surface pure, immaculée, va-t-elle se transformer, retournée, en un parchemin parcouru de signes inconnus. N'en disons pas plus, et conseillons simplement à notre lecteur de se ruer dans les salles obscures, puisque The Autopsy of Jane Doe va jouir – chose rare ! - d'une sortie sur grand écran dans notre beau pays.

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Made in France

Voir débarquer en salles un objet comme Grave a forcément quelque chose de réjouissant dans le morne paysage du cinéma français. C'est un film de genre certes, mais c'est surtout un film « fabriqué », qui cherche à produire des images et des affects, s'éloignant très volontairement de la fadeur apathique et engoncée d'encore beaucoup de produits made in France. En changeant de perspective, il faut reconnaître également qu'on est très loin des pot-pourris référencés à l'hystérie vaine et criarde comme La horde ou Frontière(s).
Cette histoire de cannibalisme consécutif à la découverte brutale, par une jeune fille de sa sexualité, de l'alcool et de la barbarie humaine a la bonne idée de progresser en même temps qu'un fil conducteur que le film aborde frontalement et longuement : le bizutage forcé et décérébré d'une université vétérinaire. Filmer cette entrée dans le monde estudiantin comme une guerre aveugle et faire du passage à l'âge adulte une autre guerre contre nos pulsions contradictoires, voilà les deux belles idées assez vigoureuses, du film.
On peut se montrer moins convaincu par une succession de ruptures tonales pas toujours maîtrisées et une imbrication de saynètes parfois hasardeuses (la séquence de la station service). De plus, la réflexion sur le déterminisme est bancale, le film semblant ne jamais se décider sur ce qu'il cherche à dire sur son personnage et son rapport à sa maladie : est-elle libératrice puisqu'elle l'affranchit des rapports normés aux autres, ou cloisonnante puisque inévitable ?

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Sam Was Here, effort franco-américain fauché, raconte l'errance d'un représentant de commerce errant dans une Americana vide d'humains, qui observe dans le ciel une étrange lueur rouge et se fait progressivement traquer par une menace qui tait au départ son nom.
Présenté par son réalisateur Christophe Deroo comme un hommage à La quatrième dimension, le film en épouse effectivement certains contours, mais les complète avec un peu de Carpenter, un peu de Barker aussi. La somme des références ne formant jamais, seules, un tout singulier, on a l'impression un peu triste que Sam Was Here forge méticuleusement ses propres barrières. Méticuleusement, parce que l'ensemble est correct visuellement, et installe au départ un climat d'errance pas inintéressant, à défaut d'être novateur.
Si cette histoire de sortie de route se suit sans déplaisir, elle ne s'écarte paradoxalement jamais d'un chemin tracé d'avance, jusqu'à un rebondissement d'une banalité embarrassante. Surtout, Deroo échoue à donner du corps à ce trip un peu décoratif, qui a toutefois la bonne idée d'être très court. Pas sûr que l'on assiste à la naissance d'un réalisateur possédant un propos ou une vision.

Doc en stock

David Lynch: The Art Life, documentaire américano-danois de Jon Nguyen, Jason S. et Olivia Neergaard-Holm, peut séduire d'emblée par son parti-pris : s'intéresser, en donnant exclusivement la parole au cinéaste, à la période précédant les long-métrages. Le film s'arrête ainsi à la réalisation d'Eraserhead. Lynch est montré aujourd'hui, dans son atelier, tandis qu'il se livre laconiquement, le plus souvent en off. Et l'intérêt du documentaire se niche dans de petits détails biographiques où l'on se plaît à retrouver rétrospectivement les échos dans les films. Lorsqu'il évoque sa jeunesse en banlieue, difficile de ne pas penser à Blue Velvet. Lorsqu'il raconte l'apparition d'une femme dénudée dans son voisinage, c'est autant ce même film que Twin Peaks qui jaillissent. L'intelligence du film réside aussi dans son refus de jouer le jeu du Lynch mystérieux et cryptique qui se jouait à l'époque de la sortie de Mulholland Drive, préférant la sobriété et l'attention aux détails.
Là où le bât blesse, c'est dans la grande pauvreté de ce que le film a à proposer visuellement. Des tableaux et extraits (rares) de courts-métrages ponctuent une longue heure et demie où l'on suit Lynch pratiquement en pantoufles dans son atelier, où parlant au micro dans une minuscule salle où l'ambiance « lynchéenne » forcée agace un peu. Du coup, le documentaire échoue à toucher ce qui constitue pourtant l'un des propos récurrents du cinéaste : comment s'installer dans une ambiance propice à la création, comment faire vivre un univers à partir de celui dans lequel on se trouve ?

Mauvais genre

Realive, de l'espagnol Mateo Gil (scénariste d'Alejandro Amenabar et réalisateur à ses heures perdues) assied une tendance inquiétante de la science-fiction mondiale de ces dernières années : de Perfect Sense du britannique David MacKenzie au Premier contact du canadien Denis Villeneuve en passant par le lituanien Vanishing Waves de Kristina Buozyte, s'affirme un rapport à la fois penaud et criard du genre. Soit une volonté prétentieuse et grandiloquente de proposer une vision définitive et très sérieuse de la vie, l'univers et le reste. Ici, un homme est cryogénisé après avoir découvert une maladie mortelle. Il se réveille 60 ans plus tard, plein de questions profondes sur le sens de la vie et de l'amour. Visuellement, rien : tout est dans une succession interminable de dialogues ampoulés déclamés avec un sérieux de pape. Du futur, on ne nous propose qu'un intérieur fait de couloirs blancs. En guise de réflexions philosophiques, des tergiversations bavardes sur l'amour « véritable ». Comme construction audacieuse, un perpétuel aller-retour lourd de sens entre l'avant et l'après congélation.
Pourtant, le film pose dans l'un de ses premiers chapitres (car oui, le pensum est découpé en chapitres) une question intéressante : comment reconstruire une relation à l'autre dans un monde où les modalités affectives ont changé ? Deux gestuelles différentes peuvent-elles s'accorder ? Bon, on n'en saura jamais rien, car le réalisateur a perdu cet enjeu possible en cours de route.

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Orgueil et préjugés et zombies a tout du film qui semble n'être motivé que par son titre, emprunt (malgré un budget qu'on devine assez important) de fantasmes Z qui commencent tout de même à perdre tout leur sens. Le principe est simple : adapter le roman de Jane Austen avec des morts-vivants en toile de fond. Et c'est bien ce statut de toile de fond qui surprend au final, tant le film s'en sert comme prétexte vaguement fun pour finalement n'être qu'un drame romantique historique, épicé par ci par là, très superficiellement, de scènes horrifiques même pas franchement exubérantes. Les quelques grains de folie sont microscopiques, et on finit par bailler en rêvant que ce vague projet de fin de soirée arrosée se soit dilué pendant la gueule de bois consécutive.

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