Retour sur la troisième édition du Paris International Fantastic Film Festival (Gaumont Opéra Capucines, du 19 au 24 novembre 2013).

 

C’est terminé, le PIFFF 2013 a fermé ses portes et décerné ses récompenses, mettant la touche finale à une semaine très réussie, marquée par quelques belles découvertes et une affluence plus qu’honorable, puisque plus de 7 000 spectateurs se sont déplacés au Gaumont Opéra Capucines. Entre nouveautés enthousiasmantes et rétrospectives royales, la sélection était variée et équilibrée, il y en avait vraiment pour toutes les sensibilités des amateurs de cinéma horrifique. Félicitons tout particulièrement l’équipe pour la qualité du festival, de la programmation à l’accueil en passant par la perfection technique des projections (ce qui n’est pas toujours un acquis par les temps qui courent). Un festival qui mise plus sur la qualité que la quantité, avec bonheur. Avant de revenir dans le détail sur les films, petit tour d’horizon rapide de cette cuvée 2013.

Byzantium4

Les films sélectionnés hors compétition font toujours un peu peur : sélection d’une œuvre mineure d’un auteur apprécié ou placement opportuniste d’une nouveauté attendue, cette distinction est parfois tout simplement due à l’impossibilité pour un film intéressant d’être qualifiable en compétition. En ce qui concerne Byzantium, aucun doute sur la légitimité du dernier-né du vétéran Neil Jordan, qui nous offre un film de vampires classique et soigné, baigné de la poésie qui le caractérise. Toutes nos craintes se sont par ailleurs confirmées lors de la projection en séance de clôture de Wolf Creek 2, suite complètement inintéressante, voir carrément rebutante, de l'efficace thriller australien sorti en 2005. A l’autre bout du festival, lors de la séance d’ouverture, Alex de la Iglesià était venu présenter ses Sorcières de Zugarramurdi, sorte de relecture espagnole du classique Une nuit en enfer. Si le film commence sur un rythme effréné et s’appuie sur un second degré et un humour rafraîchissants, le manque d’inspiration évident du réalisateur apparaît rapidement comme une évidence, que de très laids effets spéciaux ne parviennent pas à masquer. On a connu le franc-tireur helvète beaucoup plus inspiré. Saluons ici tout particulièrement le court-métrage présenté en ouverture de cette première séance, le survolté Kick-Heart du japonais Masaaki Yuasa. Soutenu par Mamoru Oshii, ce film d’animation de l’auteur de Mind Game est un véritable plaisir, romance musclée entre deux stars locales du catch qui résulte en une explosion colorée et délirante, ou le coup de foudre transormé en upercut sensoriel.

Kick-Heart

En marge de la compétition internationale, les organisateurs avaient également eu la très bonne idée de programmer une « séance culte » quotidienne dont le programme était en soit porteur de très belles promesses. La musique tonitruante de Re-Animator a ainsi résonné dans les haut-parleurs du Gaumont Opéra tandis que les dangereusement volontaires Hebert West et Dan Cain tentaient de faire revenir à la vie une partie de la population du Miskatonic University Hospital. Un régal pour les amateurs de Stuart Gordon et Brian Yuzna, deux artisants du genre surdoués chers à TORSO. Grosse découverte avec le stupéfiant Opération Diabolique de John Frankenheimer, thriller paranoïaque visionnaire dont on a du mal a imaginer qu’il sorti sur les écrans en 1969, tant sa mise en scène paraît moderne et son propos toujours pertinent. Autre œuvre en avance sur son temps, le magnifique Perfect Blue du regretté Satoshi Kon. Un véritable chef d’œuvre du cinéma d’animation japonais, qui annonçait dès 1997 les dérives de la contamination de l’intimité par les moyens de communication modernes et les dangers de la starification. Enfin, la présentation de la « version définitive » du Wicker Man de Robin Hardy, 40 ans après sa sortie originale dans un montage mutilé, a démontré à quel point ce film inclassable reste encore aujourd’hui une œuvre singulière et radicale, dans sa forme comme dans son propos.

WickerMan

Bien sûr, il y avait au centre de la programmation du PIFFF une compétition internationale qui offrait un panel très diversifié de la production fantastique actuelle (une appellation de plus en plus large, qui illustre dans quelle mesure le genre a contaminé le cinéma contemporain). Love Eternal, intriguant projet irlandais à forte inspiration japonaise, fait figure de déception, le long-métrage de Brendan Muldowney illustrant platement un propos pourtant intéressant par une mise en scène franchement insipide. Reste la présence de l’excellente Pollyanna McIntosh, décidément une actrice à part dans le paysage du cinéma actuel. Plus enthousiasmant, le très malin The Battery du touche-à-tout débonnaire Jeremy Gardner, qui démontre aux plus sceptiques que le genre du survival à la sauce zombis n’est pas encore mort. Le duo formé par le cinéaste/acteur et son compère Adam Cronheim est des plus attachant, comme si les figures de trentenaires lunaires de la comédie américaine d’aujourd’hui étaient parachutés dans un film d’horreur bricolé et terre-à-terre. Pas si évidente sur le papier, la greffe prend bien, et le film alterne moments de comédie acide et scènes purement dramatiques, le tout dans une ambiance de fin du monde. Autre bonne surprise, le sympathique Odd Thomas, mis en boîte par un Stephen Sommers dont on attendait par grand-chose au vue de sa filmographie sans grand relief. Cette adaptation de l’auteur à succès Dean Koontz se révèle finalement bien sentie, certes solidement orientée vers un public adolescent mais pas dénuée d’âme ni de subtilité. Une bonne grosse bande dessinée pleine d’action et d’explosions, et plutôt très bien écrite. Récit d’apprentissage d’un garçon aux facultés hors du commun, Odd Thomas mérite le détour de spectateurs en quête de divertissement bien ficelé. Et la trogne sans pareil de Willem Dafoe en commissaire de police complice du héros est une réjouissance qu’on ne saurait bouder.

OddThomas1

La grosse déception restera sans doute le remake par le duo McKee/Sivertson de leur propre œuvre de jeunesse : All Cheerleaders Die. On attendait évidemment beaucoup du nouveau film de cette paire que nous apprécions tout particulièrement au sein de la rédaction de TORSO, d’autant que leurs dernières livraisons (respectivement The Woman et Brawler) semblaient indiquer qu’ils restent des auteurs importants dans l’univers du cinéma de genre actuel, et ce malgré leurs échecs successifs auprès du grand public. Si le film s’inscrit bien dans l’univers des deux compères, très marqué par des personnages féminins inclassables et un intérêt renouvelé pour les errements de la classe moyenne américaine, sa volonté outrancièrement affirmée de n’être qu’un divertissement fun et décomplexé le dessert très largement. Tout est trop brouillon ici pour qu’on puisse véritablement s’attacher aux personnages, et si le casting des jeunes filles s’avère judicieux, celui de leurs alters egos masculins est assez catastrophique. Un film qu’on oubliera très vite à la faveur des travaux respectifs plus denses des deux cinéastes, qui n’ont certainement pas fini de faire parler d’eux. Beaucoup plus introspectif et austère, Real, le nouveau film de Kyoshi Kurosawa, inscrit ses déambulations oniriques dans un univers froid et clinique au sein duquel émergent d’étonnantes visions de pure fantaisie. Un film inégal, qui manque parfois de rythme, mais qui s'avère plutôt original lorsque le cinéaste abandonne les figures classiques de la romance au profit d’une investigation des liens crées par l’expérience commune et des symboles construits par la mémoire.

Real1

Mais la vraie révélation du festival aura bien été la découverte du talent de l’espagnol Marçal Forés, qui propose avec son premier long-métrage Animals une interprétation à la fois fidèle et originale de l’univers de l’auteur de bande dessinée américain Charles Burns, auquel le film rend directement hommage. Irrigué par des univers aussi marqués que ceux de Richard Kelly (on pense forcément à Donnie Darko) ou de l’auteur de Black Hole, le film réussit la transposition des  forêts mystérieuses du Nord-ouest américain cher au David Lynch de Twin Peaks dans l’épaisse garrigue des environs de Barcelone. Un pari vraiment pas gagné d’avance, tout comme celui de réaliser un film bilingue, puisque les personnages alternent entre l’anglais et le catalan. Marçal Forés abolit ainsi les frontières culturelles pour accoucher d’une œuvre riche et envoûtante, tout à fait originale. Pour conclure, c’est le turbulent thriller californien Cheap Thrills, concocté par le trio E.L. Katz/Trent Haaga/David Chrichillo, qui a récolté les faveurs du public, qui couronnait lui-même le vainqueur de la compétition internationale de cette année. Cela nous fait bien évidemment plaisir, puisque Cheap Thrills avait fait partie de nos coups de cœur cannois et que nous suivons avec attention son parcours dans le circuit des festivals. Le prix Ciné + Frisson est par ailleurs revenu à L’étrange couleur de larmes de ton corps, retour très attendu du duo Hélène Cattet et Bruno Forzani, qui continuent leurs expérimentations à la frontière du genre. Saluons également le jeune Arthur Môlard, dont le court-métrage de fin d’études Jiminy – sympathique film d’anticipation à forte tendance dystopique  – est reparti avec pas moins trois prix. Souhaitons-lui bonne chance pour la suite !

Avant de vous détailler le palmarès complet, nous terminerons ce tour d’horizon du PIFFF 2013 en saluant une nouvelle fois la qualité de ce jeune festival, qui met les petits plats dans les grands pour offrir une vitrine incomparable au cinéma que nous aimons et défendons. Pourvu que ça dure.

Jiminy1

Palmarès du PIFFF 2013 :

Œil d’or compétition longs-métrages internationaux : Cheap Thrills de E.L. Katz (Etats-Unis, 2013)

Œil d’or compétition courts-métrages internationaux : The Man Who Could Not Dream de Kasimir Burgess et James Armstrong (Australie, 2012)

Œil d’or compétition courts-métrages français : Jiminy d’Arthur Môlard (France, 2013) 

Prix du Jury du meilleur court-métrage français : Jiminy d’Arthur Môlard (France, 2013)

Prix Ciné + Frisson du meilleur film : L’étrange couleur des larmes de ton corps de Hélène Cattet et Bruno Forzani (France/Belgique, 2013) 

Prix Ciné + Frisson du meilleur court-métrage français : Jiminy d’Arthur Môlard (France, 2013)

Le détail des modalités de récompense et des différents jurys ici : http://www.pifff.fr/2013/palmares2013-fr

 

Rendez-vous l’an prochain !

CheapThrillsPIFFF

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