Etrange Festival 2013
L’Etrange Festival s’est toujours défini par une volonté de se démarquer doublement : des festivals généralistes d’une part, accueillant le tout-venant du cinéma d’auteur pioché par-ci par-là, pour l’essentiel, dans les derniers festivals de Cannes, et les festivals de films de genre. Ces derniers, essentiels à une époque où le genre est de moins en moins (correctement) représenté en salles, se limitent néanmoins à une orientation délimitée du cinéma (fantastique, policier…). L’Etrange Festival suit clairement une voie transversale en servant d’écrin à un cinéma de genre peu visible ailleurs, autant qu’à un cinéma plus inclassable qu’on ne trouverait pas dans un événement autour du cinéma fantastique. En plus de ça, l’accent est mis sur les avant-premières, mais surtout sur les reprises, autonomes ou cycliques. Puisque l’Etrange Festival ne se limite pas toujours à la sélection de films étranges, mais à l’étrangeté de leur visibilité sur un écran, aujourd’hui.
Cette année, au terme des onze jours orgiaques de la manifestation, une tendance se dessine : la présence un peu timorée de films de genre purs, au profit d’un grand nombre de long-métrages qui lui empruntent des codes ou des thématiques pour les déplacer dans un carcan auteurisant et parfois pompeux. Le grand nombre de films issus de sélections officielles à Cannes cette année est à ce titre assez intriguant, même si le phénomène de contamination est partagé. La Quinzaine des réalisateurs offrait ainsi un grand nombre de films de genre (au moins quatre). Or, si des films comme Borgman d’Alex van Warmerdam ou Blue Ruin de Jeremy Saulnier ne dépareillent pas forcément au sein de l’Etrange Festival, l’impression générale est un peu trouble quand à ces films s’ajoutent The Major de Yuri Baykov, Tore Tanzt de Katrin Gebbe, Ugly d’Anurag Kashyap et même Miss Zombie de Hiroyuki Tanaka. Des films très différents, de qualité variable et auxquels il n’est pas question de reprocher un excès de singularité par rapport à une prétendue intégrité du cinéma de genre. Ils ont cependant en commun la volonté de tirer le genre du côté du drame, naturaliste (The Major) ou arty (Miss Zombie), avec toujours une volonté plus ou moins avouée de se hisser « au-dessus » du genre.
De sorte que les films de genre purs étaient peut-être plus rares, même si l’hétérogénéité permanente du festival laisse toujours rêveur. L’honnête film d’espionnage coréen The Agent (Seung-wan Ryoo) le disputait ainsi au film de braquage (l’anglais Wasteland de Rowan Athale), de monstre (The Station de Marvin Kren), de fantômes (Haunter de Vincenzo Natali, Ghost Graduation de Javier Ruiz Caldera) etc.
De manière transversale, c’est une série de thématiques que l’on dégageait assez facilement de cette édition. La vengeance a toujours le vent en poupe, dans un contexte de rapt pédophile (Big Bad Wolves d’Aharon Kkeshales et Navot Papushado, Ugly d’Anurag Kashyap) ou non (Blue Ruin, Belenggu d’Upi Avianto, Confession of Murder de Byeong-gil Jeong). Elle s’incruste même en négatif dans le vigilante movie profondément frustré Tore Tanzt. On retrouve également de manière récurrente le cannibalisme (We Are What We Are de Jim Mickle, Omnivores d’Oscar Rojo, Blood Diner de Jackie Kong), l’enfance pervertie (Found de Scott Schirmer, Dark Touch de Marina De Van), le rejet des institutions (Wrong Cops de Quentin Dupieux, Ugly, The Major, Wasteland, A Gun for Jennifer de Dead Morris, The Widower de Marcus Rogers)…
Comme de coutume, voilà le petit palmarès de notre modeste équipe, en attendant la série de reviews qui suivra.
TOP 10 ETRANGE FESTIVAL 2013 (parmi les films en compétition et les inédits) :
02. Snowpiercer de Bong Joon Ho
03. Why Don’t You Play In Hell ? de SONO Sion
04. The Rambler de Calvin Lee Reeder
05. Blue Ruin de Jeremy Saulnier
06. Wrong Cops de Quentin Dupieux
07. Borgman d’Alex van Warmerdam
08. It’s Such A Beautiful Day de Don Hertzfeldt
09. Haunter de Vincenzo Natali
FLOP 5 :
04. English Revolution de Ben Wheatley
03. L’autre monde de Richard Stanley
01. Tore Tanzt de Katrin Gebbe