Marché du Film de Cannes 2013

Il semblerait que l’Argentine, peut-être en réaction à un certain engouement pour le cinéma de genre espagnol, tente de se faire une petite place dans le paysage horrifique actuel. En témoigne une poignée de films qu’on a pu voir au Marché et qui laissent entrevoir, comme leurs confrères espagnols, une petite vague de long-métrages desquels émergent de nombreux points communs. Même si ces films sont très différents, certains traits rapprochent Penumbra d’Adrian et Ramiro Garcia Bogliano, Hermanos de Sangre de Daniel de la Vega et La Memoria del Muerto de Valentin Javier Diment. Un rapport étrange aux genres où la comédie et l’horreur sont indissociables, une tendance claire au discours et à la métaphore sociale, et une série d’influences horrifiques plus ou moins bien digérées.

 

Penumbra (Adrian & Ramiro Garcia Bogliano)

Penumbra

Penumbra, tourné en 2011 et ayant d’ores et déjà fait un passage au Fantastic Fest d’Austin, est certainement le plus faible des trois. On y suit Marga, irritante bourgeoise barcelonaise fraîchement débarquée en Argentine pour tenter d’y louer un appartement qu’elle possède. Un étrange client se montrant exagérément intéressé devient de plus en plus menaçant, tandis que sur la ville s’annonce une éclipse solaire qui semble fasciner tout un chacun dans le quartier. Le film démarre ainsi comme une comédie satirique dans la droite lignée des films d’Alex De La Iglesia, et s’enfonce progressivement dans une atmosphère paranoïaque assez peu réussie qui singe maladroitement Le Locataire ou Rosemary’s Baby, en saupoudrant l’ensemble d’une tension un peu vaine… puisqu’on se fiche vaguement de ce qui peut bien se passer. La peinture des comportements de son héroïne, le mystère entourant les clients qui se multiplient dans son appartement, tout sonne très creux et la violente conclusion tombe comme un cheveu sur la soupe.

 

La Memoria del Muerto (Valentin Javier Diment)

La Memoria Del Muerto 1

La Memoria del Muerto est déjà plus fréquentable. Alicia vient de perdre son mari Jorge et invite les amis de ce dernier pour leur lire une lettre écrite par le défunt peu de temps avant sa mort, réservant un paragraphe plein d’attention à chacun. Au fil du séjour, le vernis se craquelle et une réalité beaucoup plus sombre émergera. De cette trame transparente qu’on prêterait sans problème tant à Anouilh qu’à Woody Allen, V.J. Diment fait une farce surréaliste et extrêmement violente, un long cauchemar éveillé où les traumatismes de chacun se révèlent et se matérialisent en diverses apparitions cohabitant dans la maison au même titre que ses hôtes de chair et de sang. Si le premier acte fait craindre une comédie noire un peu poussive, la suite dément cette impression en déchaînant sans relâche ses spectres parcourant l’espace et figeant le temps (brillante utilisation du montage parallèle), expressions infernales de l’inconscient de chaque personnage. Jusqu’à une tendance un peu malheureuse à la surenchère psychanalyste qui alourdit un scénario parfois en roue libre. Malgré tout, le film comporte son lot de séquences inventives et frappe régulièrement par une vigueur assez incroyable dans le macabre (la mort de Jorge rejouée plusieurs fois dans une logique circulaire cauchemardesque, la créature informe qui prélève les dents et les yeux d’un personnage pour se les greffer à elle-même, etc.).

 

Hermanos de Sangre (Daniel de la Vega)

Hermanos1

La comédie le dispute cette fois au thriller dans le sympathique Hermanos de Sangre, histoire de la revanche d’un loser romantique sur un monde hostile (les vingt premières minutes du film sont un modèle d’inventaire du pathétique) par l’entremise d’un tueur « qui lui veut du bien » et décide d’éliminer une à une toutes les embuches dont est composée sa pauvre existence. Là encore, on pense à Alex De La Iglesia pour la drôlerie cruelle des situations dans lesquelles tombe notre anti-héros. Mais progressivement, Daniel De La Vega trouve un ton plus personnel et parvient par instants à se montrer à la fois drôle, touchant et terriblement pessimiste. En témoigne la belle séquence parodiant le cliché de l’ami imaginaire salvateur.

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